Discours de l’Ambassadeur Sison lors du Forum de l’ANAMAH

Bonjour

 

Son Excellence le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Jean Roudy Aly;

Mâitre Jean Wilner Morin, President de l’ANAMAH; 

Magistrat Merlin Toussaint, Sécrétaire Générale de l’ANAMAH;

et Jean-Pierre Louis Pressoir, le Vice Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciare (CSPJ).

Je suis très heureuse de la tenue de cet atelier et de cet échange des meilleures pratiques, non seulement pour le secteur judiciaire en Haïti, mais également pour les efforts plus importants de la lutte contre la corruption dans la région, en Amérique Latine et dans les Caraïbes.

Je tiens à remercier les représentants du Centre d’études de la justice des Amériques d’avoir fait le déplacement pour partager avec nous leur expertise de leaders régionaux: Sebastian Hamel Rivas, du Chili; Jaime Arellano, Ancien Ministre de la Justice du Chili; et Juan Jimenez Mayor, Ancien Premier Ministre et Ministre de Justice du Pérou.

Les efforts critiques en matière de lutte contre la corruption en Amérique Latine, notamment la création d’un tribunal spécial pour la lutte contre la corruption au Honduras, chargé de traiter des cas contre des parlementaires et d’autres personnalités politiques clés, nous montrent ce qui a été, et peut être, fait dans cette lutte pour la transparence et pour combattre la corruption.

Merci aussi à L’Association Nationale des Magistrats Haïtiens, l’ANAMAH, d’avoir organisé ce forum.

Nous sommes tous conscients qu’un système judiciaire qui ne fonctionne pas en toute indépendance ouvre la porte à la corruption et est incapable de poursuivre efficacement les acteurs corrompus. Une justice sans éthique professionnelle limite l’accès à la justice, favorise l’impunité et érode la confiance du public dans l’équité et l’objectivité de ces décisions.

À cet égard, une étude récente financée par l’USAID et réalisée par la firme haïtienne Diagnostic and Development Group (DDG), en collaboration avec l’Arizona State University (ASU), a révélé que 90% de la population préfère résoudre ses conflits en dehors de l’appareil judiciaire formel.

Pour résoudre leurs litiges, ils font plutôt appel aux leaders religieux, aux leaders communautaires comme l’ASEC et le CASEC et même aux chefs de gangs de certaines zones urbaines.

Pourquoi ?

Parce qu’ils croient que le système judiciaire est trop lent, coûteux et corrompu.

Il est intéressant de noter que les personnes interrogées ont indiqué dans une très grande proportion qu’elles auraient préféré que leurs différends soient réglés par le système de justice officiel – si celui-ci était efficace – et non corrompu.

L’article 11 de la Convention des Nations Unies contre la corruption, signée et ratifiée par Haïti, impose aux États d’adopter des mesures visant à renforcer l’intégrité et à prévenir les opportunités de corruption au sein du système judiciaire.

À cette fin, le gouvernement haïtien, avec l’appui du gouvernement des États-Unis, a mis en place une Commission Technique de Certification (CTC) et une Direction de l’Inspection Judiciaire au sein du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ).

La corruption, sous toutes ses formes et ses débouchés, entrave le développement; elle freine la croissance économique et bloque complètement nos efforts collectifs pour mettre fin à l’extrême pauvreté.

L’année dernière, Haïti se classait au 161ième rang sur 180 selon le dernier indice de perception de la corruption de «Transparency International,» le plus bas de la région.

Une bonne gouvernance et le renforcement d’institutions fonctionnant avec intégrité sont essentielles au succès, au bien-être et au développement durable à long terme de toute la région. Le gouvernement américain continue de soutenir la transparence et la reddition de comptes en Haïti.

En 2016, le programme USAID KONEKTE a permis de renforcer les capacités d’enquête de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) du gouvernement haïtien afin qu’elle puisse enquêter sur des affaires de corruption grâce aux informations recueillies via une base de données utilisée par le ministère des Finances et l’Économie pour traiter les réquisitions budgétaires provenant des différentes agences du gouvernement haïtien.

Dans la domaine judiciare, le gouvernement américain a collaboré avecle Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire  (CSPJ) et le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique  pour élaborer un plan d’évaluation et un plan de carrière des juges et des magistrats.

Ces processus d’évaluation sont nécessaires pour éviter les promotions et les révocations arbitraires. De même, nous aidons à l’élaboration d’un projet de loi destiné à offrir aux magistrats une plus grande autonomie, en particulier pour éviter l’influence abusive des pouvoirs exécutif et législatif. La mise en place par le CSPJ et le Ministère de la Justice, avec le soutien de l’USAID, du système de gestion informatisée des cas judiciaires (GICAJ) au sein des tribunaux, démontre clairement la volonté politique d’accroître l’efficacité et la transparence de l’appareil judiciaire.

Nous avons constaté que l’introduction d’un tel système dans d’autres pays, tels que le Costa Rica, a également réduit la perception de corruption par le public.

Malgré tous ces efforts, d’autres sont nécessaires pour lutter contre la corruption dans le secteur de la justice.

Comme le fait aujourd’hui l’ANAMAH, les associations professionnelles de magistrats, greffiers, notaires et huissiers de justice devraient lutter activement contre la corruption.

L’École de la Magistrature, les barreaux et les facultés de droit devraient garantir des processus de recrutement rigoureux sans népotisme.

L’éthique professionnelle doit être au centre de leurs programmes de formation.

Les organisations de la société civile devraient également participer à la lutte contre la corruption dans le secteur de la justice en faisant office d’observateurs critiques.

À cet effet, le gouvernement des États-Unis, par l’intermédiaire du projet JSSP de l’USAID, est fier de la récente publication d’un appel à propositions qui permettra à une organisation de la société civile d’effectuer des activités de surveillance des tribunaux.

L’USAID a également soutenu deux formations de journalistes d’investigation et deux concours qui ont permis la production de plusieurs articles de presse relatifs à la justice par le biais des médias locaux.

Les participants ont également bénéficié d’une série de formations sur la poursuite des infractions de corruption.

Il appartient à chaque magistrat, chaque avocat, chaque greffier, chaque huissier de justice et chaque notaire, de faire preuve d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité. Ces valeurs, inscrites dans les principesde conduite judiciaire reconnus par les Nations Unies, relèvent avant tout d’une responsabilité individuelle.

Il faut rejêter l’impunité.

Un professionnel de la justice est tenu en toutes circonstances de maintenir son sens du devoir et son éthique en respectant le serment qu’il a prêté par devant ses pairs et ses concitoyens.

Pendant des années, la corruption et l’impunité ont fortement entravé le développement d’Haïti. Par conséquent, nous continuons d’exhorter le gouvernement à redoubler d’efforts dans la lutte contre la corruption.

Ces efforts comprennent le renforcement de l’état de droit et de la bonne gouvernance.  Je tiens à réitérer ma gratitude à l’ANAMAH de n’avoir pas hésité à s’attaquer à un défi aussi délicat que la corruption.

De même, un fois de plus je salue la présence des experts du Centre d’études de la justice des Amériques (CEJA) qui partageront avec nous les bonnes pratiques développées en Amérique Latine et dans les Caraïbes pour promouvoir l’indépendance et la reddition de comptes du pouvoir judiciaire, promouvoir l’intégrité individuelle, une application plus efficace de la loi et la protection du pouvoir judiciaire contre l’ingérence politique.

Le gouvernement des États-Unis réitère son engagement à promouvoir un état de droit fort, afin de renforcer le respect des droits de l’homme.

Nous continuerons à soutenir vos efforts à cet égard.

Merci.

 

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